la parole est cette auge à demi brisée
dont se répand à chaque aube
de pluie l’eau inutile
Yves BONNEFOY
à trois heures vingt huit
tôt ce matin
j' ai photographié la nuit
le résultat est probant
monsieur Soulages en fera une crise de nerf
j' en ai fait deux tirages
le premier
intitulé la nuit est en deuil
l' autre
je ne sais plus
j' ai oublié
le jour
jé n' ai à faire qu' à une princesse accoutrée comme une fée
la nuit
je côtoie la guerrière nue
ensemble
nous défaisons le mâle
je ne gagne que les combats que je ne mène pas
je m' en fous de perdre
la guerrière nue
elle fera sans moi
je l' ai perdue de vue
elle est capable de décapiter le mâle
en lui ôtant ce riducule
accent circonflexe
qui chapeaute le a
elle est capable de débiter le -e final
le mal se retrouve sans queue ni tête
on me dit poète
je suis poète
je suis le plus grand poète de toutes les secondes qui viennent de s' écouler
pendant cette minute où vous m' avez lu ou écouté
ça y est
j' ai retrouvé le titre que j' ai attribué à mon deuxième tirage de la nuit
je l'ai parce que j' écris
baptisé nuit d' encre
je suis poète
la guerrière est nue
j' écris
parce qu'il n' y a pas de raison
Chez J.B., La Plaine, mars 2021